SCIENCES ET SOCIAL

SCIENCES ET SOCIAL
11 mai 2015 Douze Avril

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Pour de multiples raisons, un divorce s’est opéré depuis quelques années entre Science et Société. Alors que la génération de nos parents et celle de nos grands-parents étaient encore très enthousiastes face aux avancées extraordinaires des sciences et des techniques, la fin du siècle dernier a été marquée par la montée en puissance progressive d’une méfiance de plus en plus grande -et parfois même d’une hostilité déclarée- vis-à-vis de la science et de la technologie. Pourtant, on oublie à quel point ces domaines nous ont construits, ont construit nos sociétés et construisent le monde. Qu’il s’agisse de la progression extraordinaire de l’espérance de vie moyenne au niveau mondial, de la diminution considérable de la proportion d’êtres humains touchés par la faim et la malnutrition, du recul et parfois de l’éradication complète de grandes maladies infectieuses comme la variole, grâce aux progrès de la médecine, de la proportion d’humains ayant accès à l’eau potable et à l’électricité ou encore du nombre de foyers disposant d’un téléphone, d’un ordinateur et d’un accès à l’Internet, sans oublier le nombre d’enfants ayant accès à l’éducation et à la culture, c’est peu de dire que ces 50 dernières années ont été le théâtre d’un bouleversement inédit pour toutes les sociétés humaines. Malgré cela, il reste des progrès à faire,  notamment dans les pays en voie de développement.

Commençons par la question cruciale de l’accès à l’eau potable. Selon l’OMS, 11 % de la population mondiale (contre 25 % en 1990), soit 770 millions de personnes, n’avaient pas toujours pas accès à l’eau potable en 2011 et dans de nombreux pays en voie de développement, l’on estime qu’un tiers seulement de la population à accès à un point d’eau de qualité. Face à ce défi considérable de l’accès à une eau de qualité pour tous, l’entreprise associative Warka Water s’est donné pour mission de parvenir à fournir pour un coût modeste une source d’eau facilement accessible dans les régions les plus sèches et les plus isolées du Monde où les habitants doivent parfois aller chercher l’eau à plusieurs dizaines de kilomètres et creuser des puits de plusieurs centaines de mètres de profondeur. Warka Water a développé un système particulièrement ingénieux, robuste et efficace permettant d’extraire l’humidité de l’air et de stocker l’eau ainsi récoltée dans une réserve de 1000 litres pourvue d’un robinet. Concrètement, cette « Warka » ressemble à un gros vase. À l’intérieur de ce container est disposé un filet synthétique à base de polyéthylène dont les mailles sont conçues de manière à permettre la condensation de la vapeur d’eau contenue -dans des quantités très variables- dans l’air ambiant. D’après ses concepteurs, ce système, qui ne pèse que 60 kg et peut se monter ou se démonter en quelques heures, est en mesure de collecter entre 50 et 100 litres d’eau par jour.

Un autre domaine dans lequel certaines innovations pourraient changer la face du monde est bien entendu celui de l’énergie. Illan Kramer, chercheur à l’université de Toronto, au Canada, a par exemple mis au point un nouveau matériau surprenant, le « sprayLD ». Reposant sur l’utilisation de nanoparticules appelées boîtes colloïdales quantiques, ce spray solaire peut s’appliquer sur pratiquement toutes les surfaces et transformer celles-ci en autant de panneaux solaires photovoltaïques ! Là encore, les concepteurs de ce spray ont privilégié la simplicité, la robustesse et le faible coût de fabrication. Le système de pulvérisation n’utilise que des pièces simples et peu onéreuses et ces chercheurs ont déjà atteint un rendement de conversion d’énergie de plus de 7 %, ce qui est excellent, surtout rapporté aux immenses surfaces potentielles utilisables. Sur un toit de voiture par exemple, ce spray solaire peut produire assez d’électricité pour alimenter trois ampoules de 100 watts…

Dernier domaine dans lequel plusieurs innovations très concrètes vont probablement changer la vie des hommes : la médecine et la santé. Après plusieurs années de recherche, l’ingénieur australien Mark Kendall vient par exemple de présenter, à l’occasion de la conférence TEDGlobal d’Edimbourg, un patch qui pourrait remplacer d’ici quelques années les classiques seringues dans l’administration des vaccins, ce qui permettrait une vaccination à grande échelle bien plus simple et bien moins coûteuse qu’actuellement. Ce système, baptisé Nanopatch, se présente sous la forme d’un petit carré d’environ 1 cm2, muni d’environ 4.000 micros- aiguilles. Ce procédé permet d’administrer un vaccin ou une substance thérapeutique, via la couche externe de la peau, de façon sûre et indolore. Ce nouveau mode d’administration des vaccins est d’autant plus révolutionnaire qu’il ne nécessite pas la conservation réfrigérée des substances à injecter. En Afrique, un ancien étudiant béninois de l’École supérieure multinationale des télécommunications (ESMT) de Dakar, Yannick Grimaud, a développé une autre application remarquable « SenGeoSanté » qui tourne sous Android et permet aux Sénégalais de localiser toutes les structures sanitaires sur une carte, avec ou sans connexion. Il devient ainsi possible à l’utilisateur de ce système de trouver instantanément les hôpitaux, cliniques, médecins, laboratoires ou pharmacies qui sont géolocalisés par région, département ou quartier et présentés avec leurs adresses et numéros de téléphone. Il faut également signaler le développement, par quatre étudiants ougandais de l’université de Makerere à Kampala, d’une application permettant de diagnostiquer le paludisme sans prélèvement de sang. Baptisé « Matibabu » (centre médical, en swahili), ce système permet de savoir de manière fiable et rapide si l’utilisateur est contaminé ou non par le Plasmodium, le parasite vecteur du paludisme. Pour réussir cet exploit, ces étudiants ont conçu un « matiscope », qui est un détecteur à infrarouges relié au smartphone dans lequel l’utilisateur insère son index.

Il est frappant de constater, qu’au-delà de leur diversité, toutes ces inventions et innovations ont un même point commun : elles sont le fruit de l’ingéniosité et de la volonté d’hommes et de femmes qui ont voulu relever des défis sociaux et humains très concrets et qui, indépendamment des moyens financiers dont ils disposaient, ne se sont jamais laissés décourager par les obstacles innombrables qu’ils ont rencontrés avant d’atteindre leur objectif. On ne le dit pas assez mais une véritable effervescence innovatrice règne sur ce continent africain. Cet esprit de créativité et d’inventivité dépasse largement le champ scientifique, technologique et économique. Il s’inscrit résolument dans une dimension éthique, sociale et humaine et c’est évidemment ce qui lui donne sa valeur et tout son sens. En ces temps où la science, la raison et l’idée même de progrès génèrent souvent de la méfiance et parfois même de l’hostilité, il est utile de rappeler à quel point certaines inventions, même lorsqu’elles semblent après coup évidentes et peu sophistiquées, peuvent améliorer la vie des hommes et changer le monde.

 

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