L’EUROPE, TOUJOURS EMMURÉE

L’EUROPE, TOUJOURS EMMURÉE
27 avril 2015 Douze Avril

Alors que le monde célébrait, le 9 novembre, les 25 ans de l’ouverture du mur de Berlin, de plus en plus de barrières se construisent aux frontières de l’Europe. Après le mur, construit en 2001, entre le Maroc et l’enclave espagnole de Ceuta et Melilla, la Grèce, fin 2012, puis la Bulgarie, en juillet dernier, ont érigé des clôtures à leurs frontières avec la Turquie. Ces murs, bâtis pour endiguer l’immigration vers l’Europe, présentent déjà des failles et des signes d’inefficacité. En octobre 2013, le gouvernement espagnol a décidé d’installer de nouveaux barbelés à lames tranchantes, dangereux et polémiques, sur le mur de Ceuta et Melilla. Pourtant, selon l’ONG Human Rights Watch, le nombre de tentatives pour rentrer dans l’enclave espagnole a augmenté en 2014: fin octobre, 1.250 migrants ou demandeurs d’asile étaient hébergés au centre d’accueil de Ceuta et Melilla, pour une capacité de 480 personnes.

Face au cloisonnement des frontières terrestres, un autre mur, maritime et mortel, a vu progressivement le jour. Ainsi, l’année 2014 enregistre déjà un triste record: la mort de plus de 3.000 migrants en mer Méditerranée. Soit plus du double que le pic de 2011. «The Migrant files», une vaste enquête primée de datajournalisme, révèle même que plus de 25.000 migrants ont péri sur leur chemin vers l’Europe depuis 2000. «Eriger des clôtures et créer des barrières n’est pas la solution, ça crée de la pression ailleurs, ça donne plus de pouvoir aux trafiquants pour augmenter le prix de la sécurité et ça donne lieu à une augmentation du danger des traversées», alerte Boris Cheshirkov, porte-parole du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR).

Face à cette immigration importante mais relative (la Turquie accueille actuellement plus de 1,6 million de réfugiés syriens et le Liban 1,2 million, contre 144.632 pour l’Union européenne), les partis politiques jouent la surenchère. Avec la crise économique, les discours se durcissent et la sécurité des frontières prend le pas sur les programmes d’intégration. «Environ 80% de l’argent de l’Union européenne pour l’immigration en Bulgarie est fléché vers la sécurité et 20% sur l’intégration», confie un conseiller du gouvernement bulgare. Aux dernières élections européennes de mai dernier, cette perception d’insécurité s’est traduite directement dans les urnes, avec une montée historique des partis populistes. Le Front national en France, le Parti du peuple au Danemark ou encore UKIP au Royaume-Uni sont mêmes arrivés en tête dans leurs pays respectifs. En Grèce, le parti néonazi Aube dorée a obtenu un score de 9,4% et envoyé trois députés à Strasbourg. Des discours radicaux qui influencent les politiques européennes, de droite comme de gauche.

À côté des «murs de l’immigration», des barrières ethniques ou religieuses continuent à se dresser en Europe. En Slovaquie, des clôtures sont érigées contre les Roms depuis 2009. À Chypre, «la ligne verte» divise depuis 1974 la partie grecque de la partie turque. À Belfast, depuis le conflit nord-irlandais, des «murs de la paix» séparent encore les quartiers catholiques des quartiers protestants. Et le phénomène, cette course à la construction de murs et de barbelés, est une tendance mondiale. Le magazine Courrier international recense aujourd’hui une cinquantaine de murs, contre une dizaine en 1989. 8.000 kilomètres de barrières ont ainsi été construites depuis la chute du mur de Berlin…

Berlinermauer

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